Le fabricant de gomme arabique Alland & Robert va renforcer ses capacités de production dans l'Eure
La France compte deux champions mondiaux de la gomme arabique, l’un des ingrédients favoris des fabricants de sodas ou de confiserie. Parmi eux, Alland & Robert, qui compte investir 11 millions d’euros dans l’extension de son site de Saint-Aubin-sur-Gaillon, dans l’Eure.
A Saint-Aubin-sur-Gaillon (Eure), Alland & Robert prévoit d’investir, à la fin de l’année 2020, 11 millions d’euros dans une nouvelle tour de séchage et son atelier adjacent afin d’accroître ses capacités de production de gomme d’acacia (également appelée gomme arabique) atomisée. La livraison est prévue deux ans plus tard.
Deux tours de séchage avaient déjà été construites en 2007 et en 2013 sur le site, après la construction en 2002 d’une première unité à Port-Mort (Eure). La capacité actuelle de production totale est de 20 000 tonnes par an, les ventes réalisées l’an dernier s’élevant à 18 000 tonnes.
Ce nouvel investissement confirme la bonne dynamique de la PME, qui emploie 100 salariés et a réalisé 45 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019. Elle a recruté une vingtaine de personnes en 2020 et n’a procédé à aucun arrêt de production durant le confinement – ses salariés ont été récompensés par une prime de 1 000 euros. Alland & Robert représente à elle seule 25 % du marché mondial de la gomme d’acacia. Avec son concurrent Nexira (basé en Seine-Maritime), ces deux entreprises françaises pèsent 60 % du marché.
Le bio en forte croissance
La gomme d’acacia, un polysaccharide multifonctionnel, est utilisée par la plupart des acteurs de l’agroalimentaire : l’usage des produits dans les sodas représente le premier débouché en volume pour Alland & Robert, les arômes et la confiserie l’emportant en valeur. Aussi codifiée E414, la gomme d’acacia bénéficie de ses propriétés d’agent texturant, de colle alimentaire naturelle, d’enrobage, d’apports en fibres et d’émulsion. "Les fabricants de boissons type soda peuvent disperser des huiles essentielles dans leurs recettes. Ils n’utilisent pas d’amidon modifié, moins stables que les produits naturels", indique Isabelle Jaouen, responsable de la recherche et développement.
"15 % à 20 % de nos ventes sont réalisées chez des clients qui n’existaient pas il y a cinq ans", observe Frédéric Alland, citant notamment les secteurs de la diététique et des produits végétariens et vegans en mal d’agents texturants. La start-up américaine Beyond Meat, qui conçoit des steaks végétaux destinés à imiter la texture de la viande, recourt elle aussi à la gomme d’acacia.
Autre facteur de développement, le bio, qui représente 15 % des ventes en valeur aujourd’hui contre moins de 1 % il y a trois ans, et 10 % des volumes. "Le marché explose aux Etats-Unis et en Asie, mais pas vraiment encore en Europe", ajoute le dirigeant. Le surcoût facturé en moyenne est passé en trois ans de 30 % à 5 %. La gomme étant un produit naturel, la différence se fait lors de l’étape de mise en solution de la matière première.
Un process fortement automatisé
Une fois broyée, la gomme est mise en suspension dans de l'eau chauffée à 40 degrés en moyenne, avec des adjuvants selon les formulations. Les impuretés sont éliminées.
Dans l’usine de Saint-Aubin-sur-Gaillon, peu d’opérateurs se trouvent simultanément sur place : cinq personnes en permanence, en rythme 6x4, 24 heures sur 24 afin de répondre à la forte demande – une semaine d’arrêt technique est planifiée chaque année sur chacune des deux tours de séchage de 30 mètres de haut. Cette étape suit le broyage des matières, après leur arrivée en bigbags (en majorité) ou par sacs de 50 kg et leur mise en suspension dans l’eau (où peuvent donc être ajoutés des adjuvants) pour les nettoyer (bois, cailloux…).
Au pied et au sommet d'une des deux tours de séchage du site.
Ensuite, de l’air chaud est envoyé dans les tours (76 degrés au sommet, 50 degrés au pied de température extérieure), permettant à l’eau de s’évaporer afin d’obtenir une poudre.
La mise en sacs et en bigbags sera modernisée en 2021. La palettisation est déjà assurée par un robot sur le site.
Le conditionnement, pour l’heure partiellement assuré manuellement, sera automatisé l’an prochain. Un robot assure déjà la palettisation. Le magasin, où les opérateurs ne travaillent que la journée, redirige ensuite les produits selon leurs destinations finales, que ce soit par bateau (l’emplacement des deux usines a été choisi pour la proximité avec le port du Havre, à une centaine de kilomètres) ou par camions.
Une transmission déjà prévue
Pour s’approvisionner, Alland & Robert a des contrats avec des exportateurs au Soudan (premier exportateur mondial, avec 65 % du marché), au Tchad, au Mali, au Sénégal, au Mauritanie, au Niger, en Erythrée et en Ethiopie. "J’ai toujours la crainte de ne jamais avoir de matières premières. J’ai tous les jours mes fournisseurs au téléphone. C’est mon métier. Nous ne sommes qu’une poignée dans le monde à le faire. Nous avons entre huit et douze mois de stocks de matières premières. Nous faisons des audits réguliers : la gomme doit sécher, mais pas au soleil sous peine de dégrader la fonctionnalité. Le travail des enfants est prohibé", explique Frédéric Alland.
Frédéric et Charles Alland, président et directeur général adjoint
Le président cèdera, dans deux ans et demi, les rênes de l’entreprise à Charles, l’un de ses trois enfants (et le plus jeune, âgé de 28 ans), directeur général adjoint depuis trois ans après un début de carrière dans le consulting. Il représente la sixième génération, l’entreprise ayant été créée en 1884. Parmi les chantiers en cours figurent un renforcement de la recherche fondamentale ainsi qu’un développement sur l’univers cosmétique : "notre objectif est de remplacer nos gommes en remplacement de gels de synthèses, et la cosmétique bio se développe énormément. On travaille avec un panel d’évaluations sensorielles", souffle Isabelle Jaouen.